EXTRAIT DU PETIT JOURNAL FAMILIAL N°5

 

 


DEUX SUCCESSIONS AU 19e SIECLE

(Arbre Réf 4/1)

 

 

 

 

 

Première succession, après le décès de Jean BOURDILLEAU le 19 février 1824 à l'âge de 72 ans. Quatre enfants étaient héritiers (quatre étaient décédés dont un, soldat de Bonaparte, à Vitoria en Espagne). Il s'agissait de partager le domaine de LA PERRAUDIERE à la Chapelle aux Choux. Deux garçons Jean et Jacques et deux filles Anne et Jeanne (toutes deux mariées) sont réunis ce 15 mars 1824 devant notaire pour procéder à l'amiable au partage. Soient quatre lots, avec le plus d'équité possible dit le texte.

Extrait. Quelques lignes du notaire :

          "D'abord nous avons roulé uniformément quatre morceaux de papier, de pareille grandeur, sur lesquels nous avons écrit PREMIER à tirer, pour l'autre, DEUXIEME à tirer, sur le suivant TROISIEME à tirer et sur le dernier QUATRIEME à tirer.
          Les ayant placés dans un vase et remués, le sieur Louis HAVARD (époux de Anne) en a extrait un sur lequel s'est trouvé écrit TROISIEME à tirer, ensuite le sieur Jacques BOURDILLEAU en a extrait un autre portant pour inscription QUATRIEME à tirer, puis le sieur Jean BOURDILLEAU en a tiré un autre sur lequel nous avons lu les mots PREMIER à tirer, enfin le sieur Pierre BARDET (époux de Jeanne) ayant extrait un autre, il s'est trouvé le DEUXIEME à tirer.
          Ensuite, nous Notaire, après avoir pris quatre autres morceaux de papier, de pareille dimension, avoir écrit sur l'un PREMIER LOT sur l'autre DEUXIEME LOT, sur le suivant TROISIEME LOT, et sur le dernier QUATRIEME LOT ; les avoir pliés uniformément, les avoir mis dans le même vase, et remués, nous avons invité lesdites parties à procéder de suite au tirage des lots.
          C'est pourquoi ledit sieur Jean BOURDILLEAU appelé par suite du tirage à extraire un billet dudit vase, s'étant présenté, en a tiré un, sur lequel nous avons lu ces mots TROISIEME LOT. Ensuite Pierre BARDET appelé à tirer à son tour en a extrait un autre sur lequel s'est trouvé écrit QUATRIEME LOT et dernier lot. Puis le sieur Louis HAVARD, nous en ayant présenté un autre après l'avoir ôté dudit vase, nous avons trouvé qu'il portait ces mots écrits PREMIER LOT, de sorte que Jacques BOURDILLEAU dernier à tirer, s'est trouvé possesseur du dernier billet portant pour inscription DEUXIEME LOT."



Force est de constater que le sort n'avait pas favorisé les projets, car Louis HAVARD et son épouse Anne BOURDILLEAU revendaient le 19 du même mois le lot n°1 comprenant entre autres, les corps de bâtiment de LA PERRAUDIERE pour 600 F (montant des lots) à Jacques BOURDILLEAUX et son épouse Marie née FARION. Lesquels le 21, toujours du mois de mars, signaient devant notaire un bail de six années consécutives avec le sieur Jacques MENARD, cultivateur propriétaire à la CHAPELLE AUX CHOUX. Des termes savoureux ponctuent cet écrit comme : "tenir ce lieu en bon père de famille", "de toujours tenir les bâtiments en bon état", "de chauffer la maison", "de cultiver avec soin" ... "d'y conduire les engrais nécessaires" (eh oui, déjà).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Plan de 1811 - La Perraudière - AD 72 Cote P.C/06/009-D1



 

Début 21e Siècle. Ruines du domaine de La Perraudière – Coll. de l’auteur

 


Deuxième succession : celle de Louis BOURDILLEAU époux de Louise CHOLLET, habitant LA GILBERDIERE à la CHAPELLE AUX CHOUX. Il s'agit du petit fils de Jean BOURDILLEAU (voir succession précédente).

          Pour cette succession, six enfants : Louis BOURDILLEAU époux de Marie VOISIN habitant LE PERRAY à la Chapelle, Anne BOURDILLEAU épouse BOURGAULT habitant St Pierre de CHEVILLE, Marie BOURDILLEAU épouse HOREAU habitant à CUISSE au LUDE, Michel BOURDILLEAU célibataire habitant LA GILBERDIERE à la CHAPELLE, et Jacques Jean BOURDILLEAU habitant l'Eure et Loir (Il s'agit de notre ancêtre, venu en terre de BEAUCE, économiquement plus favorable à l'époque !)

          Michel BOURDILLEAU, l'avant-dernier cité, appelé "l'interdit" dans les textes nous posait problème, sur la cause. C'est en demandant le livre des jugements de LA FLECHE que nous obtenions réponse, craignant de découvrir un voleur voire un criminel, nous découvrons ainsi une toute autre réalité.

          "Attendu que la veuve BOURDILLEAU a formé contre Michel BOURDILLEAU son fils, une demande en interdiction, et qu'en vertu d'un jugement rendu sur requête par ce tribunal le seize avril dernier. Enregistré, il a été interrogé le treize mai suivant en la chambre du Conseil du Palais de Justice. Attendu qu'il résulte de cet interrogatoire, subi par ledit Michel BOURDILLEAU, qu'il est dans un état habituel d'imbécilité qui le rend incapable d'administrer sa personne et ses biens. Attendu que BOURDILLEAU a été régulièrement cité, que les délais d'ajournement sont expirés et qu'il y a lieu de donner défaut contre lui faute d'avoir constitué avoué. Par ces motifs, statuant en premier ressort, Donne défaut contre BOURDILLEAU qui n'a pas constitué avoué. Le déclare interdit de l'administration de sa personne et de ses biens. Ordonne que son conseil de famille soit convoqué devant M. le Juge de Paix du canton du LUDE, pour lui nommer un tuteur et un subrogé tuteur. Le condamne aux dépens, que le tuteur soit autorisé à employer dans son compte, et distraction est prononcée au profit de Me RAGOT Avoué, qui a affirmé en avoir fait l'avance."



          Rose Louise BOURDILLEAU célibataire de 30 ans, vivait avec ses parents à LA GILBERDIERE (décès de son père LOUIS, le 21 mars 1872). Elle se mariera le 3 novembre 1872, avec Jean LELARGE 32 ans et ils habiteront à LA GILBERDIERE. Sa mère née Louise CHOLLET en est usufruitière durant son vivant, avec dispense "de fournir caution et de faire emploi". Elle ne vivra que trois années avec sa fille et son gendre. Elle décédera le 7 août 1875 à l'âge de 66 ans, les époux LELARGE resteront dans cette maison.

          Notre ancêtre Jacques Jean, restera très proche en amitié avec sa sœur Marie, jusqu'à leurs décès (l'un et l'autre) en 1908. Ainsi, il sera représenté par elle, épouse HOREAU tout au long de la procédure de succession et il ne fera le voyage à LA CHAPELLE AUX CHOUX qu'au lendemain de Noël 1875. Là, en présence de ses frères et sœurs, il renoncera à ses droits immobiliers et mobiliers dans la succession de ses parents, moyennant la somme de trois mille francs. Cette succession particulièrement détaillée, permet de mieux situer l'échelle des valeurs de l'époque.

          Ainsi nous apprenons que dans l'écurie de LA GILBERDIERE, la jument "hors d'âge" a été estimée à 90 francs, que dans l'étable, la vache rouge de 6 ans est estimée à 260 francs, la blonde de 5 ans 250 francs et la blonde de 7 ans 200 francs. La chèvre, âgée de 12 ans est estimée à 10 francs. Sous un autre toit : les cinq porcs tous réunis ne vaudront que 250 francs, tandis que les huit oies seront chiffrées 24 francs, et les 8 poulets et 8 poussins 15 francs. Quittant l'élevage, pour nous intéresser au contenu de la maison, parmi les nombreuses pages d'inventaire, relevons le prix de la table en chêne et des deux bancs : 6,50 francs et du vaisselier, sans doute ancien à 1 franc, car la maie en bois blanc et chêne sera estimée à 7 francs et l'armoire 20 francs. Négligeant le fusil à piston à 4 francs et l'horloge à chaîne à 6 francs ; toujours prévoyants, les BOURDILLEAU possédaient, entre autres, 30 draps de lit, 12 taies d'oreiller, 12 nappes en fil et vingt torchons ...

 

Plan de 1811 - La Gilberdière – AD 72 Cote PC/287/009-D2

 

 

Plan de 1846 – La Gilberdière – AD 72 Cote PC.287/009-C1

 

Le devenir de Michel Bourdilleau

 

Rappelons tout d’abord que Michel était né le 12 octobre 1837 à La Chapelle aux Choux. Il fut appelé, plus haut dans le texte « l’Interdit », suite à sa mise en tutelle en 1874 à l’âge de 37 ans. Nous dûmes effectuer pour cette recherche le relevé des tables décennales des communes voisines pour en découvrir son nom, au Lude en l’année 1894 en page décès. Ce nom est mentionné en marge de l’acte 2E 186_36 sur la vue 45/289.

 

Ci-dessous un extrait de son acte de décès

 

« L’an mil huit cent quatre-vingt-quatorze, le 9 juin à huit heures du matin. Devant nous Hercule Marie Hippolyte Joly, premier adjoint, remplissant par délégation les fonctions d’Officier de l’Etat Civil de la Commune du Lude, Arrondissement de La Flèche, Département de la Sarthe, sont comparus les sieurs Jean Lelarge âgé de cinquante-quatre ans, cultivateur et Horeau Louis âgé de cinquante-trois ans, cultivateur, tous deux domiciliés au Lude, et beaux-frères du décédé. Lesquels nous ont déclaré qu’hier, à six heures et demi du soir, Michel Bourdilleau âgé de cinquante-six ans, sans profession, domicilié au Lude, né à La Chapelle aux Choux, fils des défunts Louis Bourdilleau et Louise Chollet, célibataire, a été retrouvé mort dans une pièce de terre dépendant de la ferme des Sablonnets et située à huit cents mètres Nord-Ouest de ladite ferme des Sablonnets, lieu d’habitation du premier comparant ainsi que du décédé. Sur cette déclaration, nous, sus-qualifiés, nous sommes à l’instant assuré du décès du prénommé Michel Bourdilleau et nous étant ensuite rendu en la maison commune, nous avons dressé en double le présent acte que le sieur Horeau seul a signé avec nous, l’autre comparant ayant dit ne savoir, après lecture faite et collation. »

 

Suivi des signatures de Hercule Joly l’officier de l’Etat civil et de Louis Horeau.

 

 

Après le décès de son tuteur Laurent Coutable, Michel ne fut jamais abandonné par la famille. Ses proches avaient pu le garder auprès d’eux.

Il avait eu près de lui, à cette date : Sa sœur Rose-Louise âgée de 52 ans et son époux Jean Lelarge cultivateurs, qui l’hébergeaient à la ferme des Sablonnets au Lude.

Et aussi sa sœur Marie âgée de 59 ans et son époux Louis Horeau cultivateurs à la ferme de Cuissé au Lude.

 

Les plus éloignés étaient :

Sa sœur Anne âgée de 60 ans, veuve de son époux Martin Bougault le 17 février 1887, elle était devenue cultivatrice à St Pierre de Chevillé (Sarthe) à environ 25 kilomètres.

Son frère Jacques âgé de 51 ans, marié à Valère Lorpin était artisan en Eure et Loir, à environ 170 kilomètres.

 

Était décédé :

Son frère aîné Louis, veuf de Marie Voisin le 5 mars 1883, décédé à l’Hospice du Lude le 3 juillet 1891.

 

 

 

Pour moi, découvrir cette page "Successions"…

par Mme Jeannine Courcier.

 

                Cette page me rappelle mon travail ; j'ai connu ces partages avec tirages au sort : les clients y étaient préparés et on leur disait si un lot ne vous intéresse pas trop, vous pouvez toujours le revendre. Les voisins savaient… les joignants, certains venaient nous voir avant, et nous disaient : " je serai bien intéressé par ce bien, n'oubliez pas d'en parler. Si celui qui l’aura dans son lot (soit) un pré, un champ, un corps de bâtiments : j'achète ou je suis intéressé par la location", alors le notaire leur en parlait avant le partage, et donc personne n'était déçu...si ce n’est parfois un peu de jalousie entre eux plus tard, parce l’un avait bien revendu son lot !

 

Le partage

              Autrefois dans la donation-partage faite par les parents à leurs enfants, il y avait une obligation d'une rente viagère suivant la valeur des biens, les parents le faisaient pour avoir une petite retraite pour vivre lorsqu'ils ne pouvaient plus travailler, pour leurs vieux jours…il n'y avait pas de "Retraite". Ainsi, j'ai vu des vieux parents venir pleurer à l'étude « mes enfants (ou untel) ne paient pas sa rente ; je ne peux rien faire, ‘'j'va pas les emmener au Tribunal... Faites quelque chose, faites un courrier, réclamez-leur’’ ! » etc. Et le notaire souvent de dire aux clients de l'étude : « ne vous déshabillez pas trop tôt ! ».

 

Le jugement de Michel

             Vous avez été bien courageux de faire des recherches pour essayer de retrouver ce qui était dit lors du jugement sur ce pauvre Michel dans ces si vieux papiers ...et vous avez eu beaucoup de chance de les retrouver. Nous devons nous poser des questions ; pourquoi le faire interdire à 37 ans ?...  Il ne devait pas être méchant, sans quoi il leur aurait fallu l'hospitaliser beaucoup plus tôt. Il y avait des asiles pour ces personnes… Ils l'ont gardé après même ce jugement. Il n'a pas été demandé un jugement pour obtenir de l'Aide pour lui, ça n'existait pas !

 

Un arrangement familial… 

           Il n'était pas marié, donc pas de descendance. Il ne s'est pas présenté au jugement, n'a pas demandé d'avocat ... Il n'a probablement jamais su qu'il y avait eu ce jugement contre lui, ou il s'en fichait ! (Revoyons pour cela les mots employés). Il s'est trouvé ainsi éliminé de tout, et personne d’autre que la famille ne pouvait savoir. Le notaire, lors d'un partage ou lors de la succession avait toujours ce jugement à l'appui de tout. Il coûtait moins cher de penser à une telle ‘’combine’’ parfois. Car pour le pauvre Michel, cette part, il n'en avait sans doute pas besoin puisqu'il vivait bien ainsi auprès de sa famille…il ne comptait plus !

…Je suis convaincue qu’il s’est fait ainsi bien des choses semblables ailleurs ».

 

 

 

La présente page fait suite, dans la chronologie des ventes à : VENTE à la FERME du CHATEAU d’AMNON en 1818

 

 

                                                                                              Extrait du petit journal familial

Archives départementales Sarthe

Complété en Mars 2012

 et Janvier 2019

 

 


 

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