1370 – 1645. UNE  HISTOIRE  LOINTAINE. (NOUVELLE).

 

Bien que les dates, noms et lieux ne soient pas totalement fortuits, l’auteur se libérant de cette précision historique qui le caractérise, s’adonne pour une unique fois, à ces pages de roman. Sa plume ainsi s’envole le temps d’un rêve, puis se pose quelques instants sur la terre de ses ancêtres, pour « une histoire lointaine » imaginaire !

 

« Moi, Jean Péan paysan, j’habitais avec mon épouse Michelle et mes enfants, la ferme des Bourdillaux. Comme tous les paysans de Saint Germain d’Arcé, de La Chapelle aux Choux ou de Vaas, ma vie était difficile sur ce coteau du Loir avec ces journées longues d’un dur labeur.

 En ce matin du 6ème jour du mois de septembre 1645, rien ne présageait pour moi à vivre de tels évènements. Ce matin là avait débuté comme bien des autres. Ainsi avant de partir au vieux moulin de Vaas, j’avais attaché mon ânesse à la boucle de l’enclos, à l’arrière de la maison et j’étais allé remplir quelques sacs à la remise avant de partir.

 Mais il ne s’était déroulé que peu de temps, avant que tous les habitants de la ferme soient alertés par un grand bruit et par l’ânesse qui se mit à braire sans cesse avec force. Pour cette bête habituellement si calme, seule la peur pouvait être la raison d’un tel vacarme.

Mes enfants accoururent les premiers sur place, puis mon épouse et moi-même. Là, notre émoi fût grand. Notre ânesse était là, ruant et tirant sur sa longe, avec devant elle un trou béant. Là, où voilà quelques instants seulement, nous marchions sur ce chemin autour de la ferme.

Après avoir, avec difficulté, détaché notre ânesse malgré ses ruades et l’avoir ramenée à l’écurie, je pus constater qu’un éboulement était survenu tout au pied du mur de la maison, laissant même apparaître ce qui devait être des marches de pierre.

 

Fort intrigué, il n’en fallut pas plus pour que, bientôt, muni d’une pelle j’entrepris de dégager le lieu. Oubliant même sur l’instant, le travail pourtant bien garni de cette matinée de septembre. Et c’est près de trois heures plus tard, qu’un escalier apparaissait bien distinctement.

 Durant la pose du midi autour de la table de ferme, où les commentaires allaient bon train, la surprise avait fait place à l’envie d’en savoir plus. Ainsi, aidé par mon frère Pierre et les plus grands de mes enfants, nous arrivâmes, dans ce trou à hauteur d’homme, à ce que fut une porte de bois dans le passé, mais dont l’état du chêne avait été la cause de cet effondrement.

Ce déblaiement se termina avec cette journée, car mon travail des champs des jours suivants reprit ses droits. Ce n’est que plusieurs mois plus tard, l’hiver venu, que je pus reprendre cette tâche qui ne manquait pourtant pas d’intérêt pour nous tous.

Ce qui restait de cette porte vermoulue fut bientôt enlevé avec l’aide de toute la famille. Après bon nombre de pelletées de terre, nous vîmes apparaître une étrange cave voûtée. Là, sous notre ferme en un endroit dont nous ne soupçonnions pas l’existence !

 

Des longs mois froids d’hiver suivirent, nous laissant du temps. Les jours qui vinrent, apportèrent leur lot de découvertes. En avançant nous enlevions toute cette terre amoncelée et ainsi dégagions dans cet espace, des objets très divers voire des ornements pieux. Nous découvrîmes ainsi avec surprise des flambeaux d’étain ou de gros vases de pierre; ces derniers, par leur taille, attirèrent particulièrement notre attention.

 

 La nouvelle de cet évènement s’était répandue et nos voisins de la Tuffière et de Chambon bientôt nous rendirent visite. Même le Curé de Saint Germain vînt jusqu’à nous sur sa mule. Et ce fut d’ailleurs lui qui le premier, nous confirma l’impression de nous tous, il s’agissait sans doute d’une crypte dans le temps passé. Ces mêmes jours, parmi les visiteurs de cette cave venus détailler ces objets, mon grand ami Anthoine Bourgoin de La Guerrière découvrit dans l’un des grands vases, fermé par de la cire, ce qui allait bientôt devenir la maîtresse pièce…

 Pourtant cela ne représentait guère au départ, qu’un papier de bonne taille bien roulé sur lui-même. Avec soin, celui-ci une fois déroulé et tendu était en assez bon état ma foi.

 Il portait de longues et mystérieuses écritures décorées, qui hélas pour nous les paysans, nous étaient bien impossible à lire!

 

J’attendais le dimanche matin suivant, où entouré de la famille et de quelques amis j’emportais le précieux rouleau à notre curé. Et c’est ainsi qu’après la messe, au sortir de l’église devant tous les paroissiens, le Saint homme nous décrit avec des paroles simples, ce qu’était …ce parchemin ancien !

Et nous ne fûmes pas déçus. Ces écritures bien mystérieuses et ces dessins, nous reportaient en effet près de trois siècles dans le passé, au bien lointain XIVe siècle sous le règne d’un Roi nommé Charles V. A une époque semble-t-il bien troublée pour notre pays, où nos villages eurent beaucoup à souffrir de l’occupation des étrangers, les maudits Anglois !

Mais ces textes étaient semble-t-il difficiles à lire, et notre curé promit de s’appliquer dans cette lecture la semaine venant et promettant même de s’entourer d’avis de personnes plus expertes.

 

Il fallut attendre un dimanche encore, pour qu’enfin en compagnie de quelques éminences venues du Lude et de La Flèche, notre bon Curé permit à nous tous, gens du lieu, de bientôt découvrir tant de choses du passé de nos ancêtres que nous n’aurions pu imaginer. Cette terre que pourtant nous pensions bien connaître, ce coin de terre où nos anciens avaient toujours vécu, s’ouvrait ainsi à nous avec une histoire bien lointaine et oh combien intéressante !

 

Mille trois cent soixante dix, était la date confirmée de ce parchemin. L’histoire déjà tant lue et relue par les érudits était celle de notre Lieu-dit Les Bourdillaux sur la paroisse de Saint Germain d’Arcé. Sur ce flanc de coteau, si magnifique en toute saison et qui ne paraissait n’avoir jamais changé, avait été par ce passé lointain un hameau de 13 chaumières et d’une chapelle, mais aussi de granges et remises.

 

                                  

Ce fût en cette Sainte année1370, que de nombreux villages, hameaux et fermes furent victimes de la guerre et subirent pillages, incendies et ruines. Il en fut donc aussi de la destruction de ce lieu autrefois habité par près de 80 habitants.

Toutes ces paroles simples permettaient ainsi à nous tous, de découvrir outre ce hameau disparu, le passé glorieux et tragique de cette région.

 

Nous apprenions tout d’abord, la défaite des Anglois plus au nord près de Pontvallain, mais aussi l’arrivée de ces hordes de soldats ennemis défaits. Sur leur passage la misère avait été grande pour les villages et les hameaux traversés, comme en ce lieu où chassant ses occupants, ils avaient brûlé maisons et granges. La chapelle aussi eut à subir ces outrages. Elle fut pillée et son clocher abattu !

Nous découvrîmes, que bâtie de pierre elle était ainsi restée seule, dominant du haut de son coteau, tant de chaumières ruinées !

Le parchemin nous livrait ainsi tout son contenu écrit, mais sa carte, fort décorée allait à son tour nous apporter son complément d’histoire. Il s’agissait en ces traits, là encore de notre lieu-dit. Nous l’avions bien reconnu mais il dépassait par la taille ses limites actuelles. Ainsi, apparaissait  en détail, les chaumières, granges et sentiers, avec déjà bien présents les chemins de St Germain aux Halles, et des Bourdillaux à la Tuffière.

 

Le précieux texte précisait bientôt que la chapelle avait été seule relevée des ruines !

 Mais nous n’eûmes besoin d’aucun de ces érudits pour reconnaître en ce point de la carte que cette vieille chapelle était …notre ferme !

 Elle semblait même être inchangée depuis ces temps lointains. Bien sur, d’avis de tous, nous savions cette bâtisse fort ancienne, avec ses murs en pierre et sa charpente ouvrée, mais la découverte de son lointain passé nous comblait de joie.

 

 

C’est avec encore plus d’intérêt que nous retenions les dernières lignes des textes encore contés.

           

Comme à Vaas et en d’autres villages de notre région, cette terre devint libre par la grâce de Dieu et la vaillance des troupes du Connétable Du Guesclin. Et c’est ainsi que pour la conservation du souvenir en ce lieu, deux chevaliers du Connétable de France avaient été les auteurs de ce parchemin. Après l’avoir rédigé et signé au  lendemain des évènements, ils avaient placé ce parchemin dans un vase fermé à la cire.

Puis déposé dans la crypte, celle-ci fût alors comblée à tout jamais !  Enfin le croyait-on !

 

 

 

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