DE LA HAUTE VERNELLE A LA MORINIERE

LA  PLAINTE  DE  JEAN

Contre son frère et cinq beaux-frères

 

 

  

Extrait des pages du texte d’époque A.D 37 Réf. 7B 181

 

 

                 De nombreuses générations du Patronyme vécurent dans cette zone comprise entre les bourgs de Saint Germain d’Arcé, Chenu et Villiers au Boin. La mention de lieu la plus ancienne est celle de la Métairie de Cheray où Jean Bourdillau et Françoise Pasquier, mariés en 1658 vécurent avec leur onze enfants. A leur suite, la branche (13-3) fut une branche assez fournie avec des générations prospères. Pour la généalogie, la branche 13/3 est ‘’dite des fermes de Haute et Basse Vernelle’’, car marquée du XVIIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle par ces lieux maintes fois énoncés dans les registres paroissiaux, puis d’état civil du nouveau régime.

 http://les.bourdillaux.free.fr/souche.htm  et  http://les.bourdillaux.free.fr/famille_robin-groussin.htm

 

                 Pour la présente page, retenons que Jean Bourdillau père, par son mariage en 1693 avec Anne Peloquin eut lui aussi 11 enfants. C’est au cœur de cette famille à laquelle rien ne laissait présager un déchirement que se déroulèrent les faits, cela bien après le décès de Jean et Anne Peloquin, leurs parents.

 

 

 

               Du fait du risque de voir disparaître « leur hypothèque et privilèges », un conflit familiale majeur est à la base de représailles avec vol et violence en ce début de l’année 1741.

                Dans cette famille dans la droite ligne des générations précédentes, ces événements ont été pour nous une découverte surprenante qui nécessita de connaître le déroulement de ces journées et ces nuits du 24 au 28 janvier 1741 (Sous le règne de Louis XV).

                La plainte rédigée à Château la Vallière, est conservée aux Archives Départementales de l’Indre et Loire sous la référence 7B 181. Ces pièces se composent de 20 pages numérotées dans un format d’environ 24 cm sur 18 cm, réunies entre elles par un petit lien de peau.

                 La lecture y est difficile (voir l’aperçu en tête de page), elle a nécessité une copie sur place afin de pouvoir s’y appliquer longuement à notre domicile. Avec des termes de justice inconnus et des phrases d’une orthographe aléatoire, ces pages que nous avons tout d’abord réécrites, du fait de leur libellé, ont ensuite été relues de nombreuses fois pour permettre le résumé contenu dans cet exposé.

 

 

Plan cadastral AD 72 Mi G1 1812 Cote Pc/287/014

 

 

                 Les faits se sont déroulés entre les fermes de Haute Vernelle et La Morinière, qui ne sont séparées que par le chemin de St Germain d’arcé (aujourd’hui dans la Sarthe) et Villiers au Boin (dans l’Indre et Loire).

                 L’intéressé, Jean Bourdillau est le deuxième par la naissance (23 juin 1696), et le premier garçon de la famille. Il avait 45 ans à la date de sa plainte, célibataire habitant à Haute Vernelle.

                En cette seconde moitié du mois de janvier, Julien Vérité, Marin Blanchard, Pierre Robin, Jean Taillard, Jacques Friau, qui sont cinq beaux-frères de Jean Bourdillau et de Pierre Bourdillau son frère, avaient été, jours et nuits au lieu de la Haute Vernelle, afin d’empêcher que Jean n’enleva aucun de ses  « meubles et bestiaux », entendu que tous voulaient que les créanciers fussent payés. En effet, il était dans les intentions de Jean de déplacer ses biens au lieu dit de La Morinière où il était aussi le fermier.

 

Enchainement des dépositions :

 

              Le Lundi 23 Janvier, Pierre Bourgoin fermier, domestique de Jacques Friau de la paroisse de St Germain, dépose qu’en…1739, étant domestique de Jean Bourdillau, Julien Vérité un beau-frère emporta de Haute Vernelle « deux oreillers, mais ne sachant de quelle plume il s’agissait dedans » et emporta aussi le bois de lit, la serge blanche, des rideaux de toile noire.

 

             Le Mardi 24 Janvier, Gabriel Vaumorin garçon couvreur  26 ans, demeurant ville du Lude, dépose, que étant à travailler à la Morinière, Jean Bourdillau y amena quatre bœufs et cinq vaches pour y consommer « des meniailles », n’en ayant plus à Haute Vernelle !

Et confirme que sur les six heures du soir, Pierre Bourdillau, Friau, Marin Blanchard et Taillard vinrent enlever les bêtes pour les emmener en d’autres endroits, et quelques temps après à Haute Vernelle.

Marin Cusson couvreur d’ardoise 40 ans, demeurant ville du Lude, travaillait à la Morinière dont Jean Bourdillau était fermier. Marin Cusson dépose : Venus sur les six heures du soir, Pierre Bourdillau, Taillard et Friau, enlevèrent neuf bêtes (de Haute Vernelle) qui appartenaient à Jean. Craignant avec ces bêtes présentes à la Morinière de perdre leur hypothèque. Ils enlevèrent ainsi quatre bœufs et cinq vaches, qu’ils ramenèrent à Haute Vernelle.

Hubert Trullet couvreur d’ardoise, demeurant ville du Lude, dépose que quittant la Haute Vernelle pour La Morinière, « Jean Bourdillau désirant que j’y travaille, j’avons envoyé les bestiaux pour y consommer des meniailles ». Il fut fort surpris de la venue à la Morinière de Pierre Bourdillau, Friau et Taillard et qui enlevèrent les quatre bœufs et cinq vaches pour les remmener à Haute Vernelle. Disant qu’ils ne pouvaient pas souffrir que les bestiaux soient en ce lieu, de crainte de perdre leur hypothèque et privilèges.

Urbain Deméré, laboureur de la Paroisse de St Germain, 40 ans, dépose en confirmant les faits ci-dessus en ajoutant que Jean Bourdillau dit à ses frères et beaux-frères qu’il n’y aura pas de quoi nourrir les animaux ici et qu’il fallait les rendre à La Morinière ! Ce qui « eut pour grand émoi » que Pierre Bourdillau frappa Jean son frère ! Lequel s’écriant plusieurs fois que son frère lui avait fait grand mal. Le dit Blanchard « coucha » aussi Jean Bourdillau pendant que les autres s’enfuirent.

 

              Le Mercredi 25 Janvier, Pierre Millet 43 ans Notaire et Sergent, résidant au bourg de Villiers, dépose que dans la matinée de ce jour, étant allé à Haute Vernelle, demeure de Jean Bourdillau, y trouva Marin Blanchard, Julien Vérité et Jacques Friau.

Leur ayant dit qu’il devait, suivant la procédure, « déposer Jean de ses meubles », ils répondirent « qu’ils allaient faire rébellion ». Cependant, il débuta à l’instant la procédure pour les meubles contenus dans la maison de l’intéressé. Maison où il était absent. Il fut fixé pour dépositaire Hubert Trullet de la ville du Lude. Sur le point de s’en aller Pierre Millet, vit arriver Pierre Bourdillau, Pierre Robin et Gustave Armoire.

 

              Le jeudi 26 Janvier, Marin Cusson (déjà cité pour le 24 janvier) poursuivait dans sa déposition : Le dit Jean Bourdillau fit renvoyer les neuf bêtes à la Morinière par son valet sur les cinq à six heures du soir.

Gabriel Vaumorin précisant que son frère Pierre, Taillard et Friau ne purent les reprendre, car lui-même et autres journaliers les ont empêchés.

Urbain Chamin domestique de Jean Bourdillau 22 ans demeurant à Haute Vernelle, dépose que le 26 ou le 27 janvier, Pierre Bourdillau voyant la clef du grenier de la Haute Vernelle à terre dans la maison, s’en empara, sans vouloir la rendre à son frère qui en avait besoin. Il l’a garda jusqu’à la venue des sergents pour mesurer les grains. Grains qu’il mesura lui-même en présence de Guérin sergent porteur de pièces. 

 

            Nuit du 26 au 27 Janvier, sur déposition de Gabriel Vaumorin, nous apprenons que Jean Bourdillau engagea cinq des déposants et Hubert Truller pour l’accompagner à Haute Vernelle afin d’être témoins si Marin Blanchard, Taillard, Friau, Julien Vérité et Pierre Bourdillau voudraient bien lui ouvrir la porte de sa maison. Mais les beaux-frères et frère refusèrent de lui ouvrir, ainsi que de rendre la clef de son grenier.

 

               Le Vendredi 27 Janvier, Anthoine Ribacin Notaire, assisté de Mrs. Hirly et Guérin « Porteur des pièces » viennent pour «quérir » officiellement les meubles et les bêtes de la Haute Vernelle. Lors de sa déposition (feuille 2), il indique que « sur le midi » sur place, il y avait Mrs Lefebvre et Clouet pour l’aider à procéder à l’exécution de l’ordonnance. Les cinq Beaux-frères et frère cités plus haut étaient également présents. Mais « le dit Guérin » afin de procéder à l’enlèvement en l’absence de l’intéressé Jean Bourdillau, devait disposer d’un Chartier. N’en trouvant pas, la saisie n’eut pas lieu et l’on remit au lendemain la procédure.

Même jour. Déposition de Pierre Clouet Tessier (tisserand) 28 ans, demeurant à Villiers au Boin : Etant à Haute Vernelle sur l’heure de midi, il confirme les lignes ci-dessus. Avec Lefebvre et Ribacin pour la procédure, Guérin sergent du Lude avait ordre « d’exécuter » Jean Bourdillau de ses meubles. Il y trouva aussi Pierre Bourdillau, Marin Blanchard, Julien Vérité, Jean Taillard et Jacques Friau.

 

            Nuit du 27 au 28 Janvier. Jacques Pierson bêcheur de la paroisse de St Germain, étant à Haute Vernelle sur le soir, Jean Bourdillau avait déjà fait un voyage de grain entre La Haute Vernelle et La Morinière et il était revenu chez lui pour faire un second tour, y laissant à la porte deux chevaux. Il monta dans son grenier pour mesurer d’autres boisseaux d’orge (mesure de capacité). Arrive alors Pierre Bourdillau, Vérité et Robin qui entrèrent dans la maison, et voyant que Jean était dans le grenier, voulurent l’enfermer. Ils ne le purent et se contentèrent de l’empêcher d’enlever d’autres grains.

 

                  Le Samedi 28 Janvier sur les huit heures de la matinée, au même lieu, les cinq beaux-frères et frère qui étaient là, dirent qu’ils avaient été dans la maison toute la nuit pour empêcher que Jean n’ôte ses meubles et « pour qu’il ait raison faite ». Le dit Jean étant absent de chez lui, « Guérin, porteur de pièces » procéda a l’enlèvement des meubles, auquel les cinq membres de la famille présent, aidèrent à transporter les meubles et les effets dans « des charstes » (charrettes). Dans le grenier, ledit Guérin, se devait de « mesurer le grain » (orge, avoine et autre) et enlever ce grain. Mais Guérin trouvant la porte du grenier fermée et un des Beaux-frères annonça « ne vous inquiète point, nous avons la clef ». En effet cette clef, perdue par l’intéressé avait été trouvée au sol par un des membres.

Les sacs de grain furent mis dans une charrette appartenant à Marin Blanchard et dans une autre, inconnue du déposant.

‘’Faute de receleur’’ Marin Blanchard conduisit les meubles et grains, sans que l’on ne su « s’il eut trouvé de l’argent dans l’orge ». Les attelages partirent avec deux chevaux et 2 vaches, en direction de Haute Roche.

 

               Coll. Edmond Laussedat Phototypeur 28-Châteaudun

 

Pour Pierre Clouet, la déposition ne varie que peu. Ce fut Pierre Bourdillau qui mesura les grains en présence de Guérin, mais « sans connaissance si l’on trouva l’argent en mesurant ces grains ».

 

Sans connaitre les faits portés par la plainte, Toussaint Degaille domestique de Jean Bourdillau 28 ans, dépose qu’étant domestique il y a quatre ans, Marguerite Bourdillau (sœur) qui était sur le point de se marier avec Marin Blanchard, lui avait donné « une petite poche en fil pour la porter ». Elle demeurait alors avec Jean Bourdillau son frère dans la maison de Haute Vernelle.

Robin Tessier ajoute qu’étant mariée avec Marin Blanchard, elle emporta son oreiller. Ceci étant tout ce qu’il pouvait déposer !

 

Le 6 mai 1741, Monsieur Félix Bion, Avocat du Parlement du Duché de Château la Vallière, à la requête de Jean Bourdillau demandeur à l’encontre de Pierre Bourdillau, Jean Taillard, Jacques Friau, Marin Blanchard, Pierre Robin et Julien Vérité : Accusés d’avoir commis plusieurs vols, s’être rendus maitres de sa maison après l’en avoir chassé et l’avoir maltraité.

Une information est faite en conséquence. Ce document est de 34 lignes d’un texte judiciaire qui débute en bas de la douzième page et s’achève à la quatorzième page, en trois lignes avec la signature de Maitre Bion et sa ruche.

 

Monsieur Lagard, Sénéchal du Duché Payrie de La Vallière. Au plaignant Jean Bourdillau Laboureur, demeurant paroisse de St Germain.

Jacques Delagardet avocat, s’occupera du fondé de la procuration passée devant Ribacin, le 7 de ce mois de février.

Les accusés ensuite nommés :    « sont gens capables de mériter fortes actions, dont Jean Blanchard, prévenu, qui le mérite. Tous associés, ils mènent le plaignant toutes les nuits à la porte de sa maison, qui est malheureusement éloignée de tout voyeur. Excepté toute fois de la Métairie de la Morinière, dont le suppliant est fermier, distante que d’un demi-quart de lieues (555 mètres). Et après lui avoir vomi mille injures, l’oblige à sortir, avec de gros bâtons dont ils sont tous les six armés. Et dès qu’ils sont chez lui, recherchent tous ses effets et emportent ce qu’ils jugent à propos. Menaçant le plaignant, bien heureux de lui laisser la vie. A quoi le suppliant avec son valet et sans voisin pendant la nuit, n’a pas la force de s’opposer, ni d’empêcher qu’on ne le mette hors de chez lui. Ceci lui étant arrivé plusieurs fois, notamment le vingt quatre, le vingt cinq et le vingt six du mois de Janvier dernier. A ces dates, ces gens sont venus dans la Métairie de la Morinière vers minuit et ont enlevé de force tous les bestiaux et les ont transportés en plusieurs endroits. Le suppliant, qui n’avait pas force majeure pour s’opposer à ce vol, recevait les coups qu’ils jugeaient à propos de lui donner.

Après avoir gardé chez eux les bestiaux, ils les ont ramenés au lieu de la Haute Vernelle, demeure originaire du suppliant. Lesquels bestiaux étaient dans un état pitoyable et les personnes ci-dessus nommées ne se sont pas contentés des excès commis de vol et enlèvement, ils sont revenus au dit lieu de Haute Vernelle, la nuit du vingt sept du mois de Janvier. Et à trois heures du matin, ils ouvrirent la porte de force et après être rentrés tous six dans la maison du suppliant, ils s’emparèrent des clefs de la maison et du grenier, qu’ils fouillèrent en tout lieu. Les uns au grenier et les autres dans les vesseaux dont ils avaient trouvé les clefs dans la maison. Ils emportèrent ce qu’ils trouvèrent à propos et une infinité de choses qui ne sont pas revenues à la connaissance du suppliant : papiers, enseignement, quittance et tout l’argent trouvé dans les greniers, d’un montant de huit cent livres.

En regard à l’argent qui était dans ses coffres, le suppliant ne peut savoir à combien se monte le vol. Ils s’étaient en effet saisis des clefs à la venue de Jean Guérin l’un des huissiers, et le premier coffre fut enlevé et porté chez Louis Blanchard prévenu du même crime que ses beaux frères, et ont gardé un même coffre dont ils avaient aussi la clef.

Enfin pour achever leurs mauvais traitements, ils cherchèrent le suppliant pour le tuer et il ne sera pas en sureté pour sa vie après ces faits ci-dessus proférés.

Jean Bourdillau leur ayant déclaré qu’il porterait plainte contre eux et leurs complices ! ».

                                                                              

                                                                              

LISTE  DES  INTERVENANTS:

 

Précision : Charles Pinguet, de la Huellerie, ferme dans le secteur de la Haute Vernelle. Ce déposant dans la plainte (10) n’est pas un beau-frère de Jean et Pierre Bourdillau comme il était indiqué au début de la déposition officielle, mais (seulement) un cousin germain. Charles Pinguet s’était marié avec Anne Bourdillau le 29 octobre 1739 à St Germain. Anne était la fille de Jacques, et Françoise Léon de la Branche réf. 11.

(Mariage A.D.72 vue 1 Mi 357 R2 13/196 et décès, vue 93/196)

 

 

Positionnement dans l’histoire de France :

Règne du Roi Louis XV duc d’Anjou 1723-1774, petit fils du Roi soleil.

Sacré à Reims en 1722. Déclaré Majeur en 1723. Marié à Marie Leszczynska en 1725

Il avait 31 ans en 1741, l’année de la Plainte de Jean !

 

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